La Courtoisie insurgée |
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L'errance (de cour en cour) (1249-1260 ) |
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. Ayant fidèlement soutenu la cause des Raimon, il est sans protecteur à la mort de Raimon VII (1249). Lui, le partisan déterminé des "comtes-ducs", adversaire acharné de la Croisade et des Français doit chercher asile ailleurs ne serait-ce que pour éviter l'animosité des clercs et des rigueurs de le l'Inquisition toulousaine. Il trouve alors probablement refuge dans l'une ou l'autre cour de seigneurs qui ont survécu aux luttes contre les croisés:
Cette période est une triste période pour le poète qui, au seuil de sa grande vieillesse, voit la civilisation qu'il aimait détruite irrémédiablement et lui-même dans une situation des plus précaires. Dans les sirventès de ces années-là on trouve des strophes assez pathétiques comme celle-ci:
Mais ce thème de la pauvreté matérielle, même s'il semble (et c'est très compréhensible) avoir été pénible à ce noble, poète de cour plus ou moins déchu n'est pas essentiel. Tout au plus une remarque acerbe glissée par-ci par-là. Tant de raisons plus importantes de s'alarmer existent !... Dans l'ensemble de l'œuvre du poète, la fable : Una ciutatz fo, no sai cals (LXXX) tient une place particulière. Le thème - une pluie rend tous les hommes fous, sauf un - , appartient certainement à une très vieille fiction folklorique (peut-être faut-il en chercher l'origine dans un conte indien!) mais l'interprétation de la pluie par Cobeitat (la Convoitise) est bien de Cardenal. Cette fable est la nette affirmation de l'étroite minorité à laquelle le poète s'entête à appartenir. Tenu pour insensé par l'immense majorité, frappé à la joue, au cou, poussé, heurté, criblé de coups, renversé, relevé , couvert de boue, battu, demi-mort, il persiste, parce qu'il sait qu'une grande et orgueilleuse méchanceté a envahi toute la gent humaine , et que cette méchanceté est la conséquence de Convoitise, l'adversaire de Larguesa et la négation même de la civilisation qu'il défend. Cette fable aurait été écrite entre 1250 et 1265, c'est-à-dire à une époque où Joi, Merce, Largueza ne sont plus, Pretz et Paratge sont définitivement ensevelis. La folie s'est emparée du siècle. Seul Cardenal persiste à y échapper. Ce sentiment minoritaire apparaît dans bien d'autres poèmes des années 50-60. Ce thème de la valeur de l'homme (pauvre)
perdu au milieu des puissants, et qui a raison contre eux et malgré eux,
est d'ailleurs un leitmotiv de l'inspiration du poète, comme dans
le sirventès LXXIII-Tals cuida bé: "Mieux
vaut de beaucoup un ribaud dans la misère qui vit en paix et supporte
son dénuement qu'un mauvais comte qui tous les jours regorge d'un
honteux profit et ne craint pas le déshonneur." Et le
sirventès se termine sur une tornada d'une grande sagesse:
"Je n'ai nulle envie de posséder un manoir si splendide
qu' aujourd'hui j'en chante si tout le reste du temps (c'est à
dire : dans l'éternité de l'enfer) j'en pleure." |
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L'errance (1249-1260) |